Sur le chemin de l’école avec Sophie et Pétronille…
- Pétronille et Sophie
- 3 déc. 2022
- 5 min de lecture
Le jeudi et vendredi, Sophie et Pétronille vont dans un des instituts médico-psycho-pédagogiques (IMPP) ENVOL : pour des prises en charge psychomot’ et orthophoniques auprès d’enfants handicapés.
L’Envol a été dans un premier temps une association créée et soutenue par les Allemands depuis 1987 avec l’idée « d’éducation » pour les enfants handicapés. En 2003, l’Envol s’élargit avec la création d’un centre d’insertion socio-professionnel proposant couture, boulangerie, menuiserie jusqu’en 2010. Ce dernier ne se pérennise pas car l’Allemagne finit par stopper tout financement. Ainsi cette association devient complètement togolaise.
L’Envol a 4 centres répartis dans Lomé. Nous pensions alterner entre ces 4 centres, mais M. Jules (le directeur d’un des centres, que nous avons rencontré en premier, quelques jours avant la rentrée) nous a dit qu’« égoïstement » il ne nous voulait qu’auprès de lui. Alors c’est parti pour toute une année au centre Wuiti.

Le centre se situe à quelques minutes à pied de chez nous seulement ; il a des locaux dans une école primaire, et accueille environ 25 enfants, encadrés par 3 professionnels : M. Jules, le directeur-éducateur ayant pour formation initiale des études de sociologie de l’éducation et de la psychologie, Tata Josée qui a une formation en couture, et Rodrigue un stagiaire, qui a étudié la comptabilité. Les enfants accueillis ont tous les âges : le plus jeune à 6 ans et le plus grand à 20 ans et tout type de handicap : IMC, autisme, trisomie 21.
L’orientation dans une école spécialisée n’a rien d’officiel comme en France. Les enfants arrivent dans un établissement comme l’Envol, suite à un « rejet » de l’école, et les parents choisissent leur établissement selon sa réputation, sa situation géographique … il y a très peu d’établissement spécialisé, et beaucoup d’enfants porteurs de handicap sont laissés à la maison. Certains enfants dont le comportement a bien évolué peuvent réintégrer l’école classique, sans tenir compte de leur âge (une classe du niveau de leur acquis scolaire). Ceux que nous avons pu rencontrer qui avaient quitté l’IMPP, reviennent finalement dans l’enseignement spécialisé, car ils n’arrivent pas à suivre le rythme.
Nous avons été surprises car les enfants ont un emploi du temps et surtout les mêmes matières que dans une école « classique » : histoire, mathématiques (acquisition des soustractions à retenue … ).
Il n’y a pas d’accompagnement individuel, en effet, ils sont dans une classe tous ensemble et suivent le même « enseignement ». Par exemple, le vendredi, 1h de sport est prévu au programme et chacun leur tour, ils feront le même exercice de cloche-pied, puis lancer de ballon par exemple, quel que soit leur handicap. Et comme à l’école togolaise, ils apprennent à se mettre au garde à vous, à défiler au pas, …
Les enfants arrivent en taxi moto (ils peuvent monter jusqu’à 3 jeunes en plus du chauffeur) ou avec leurs parents le matin entre 7 et 8h. Certains ne restent pas en kaki (l’uniforme ici : short beige et chemise bleu clair pour les garçons ou robe beige et chemise bleu clair pour les filles), pour éviter de se salir, alors on les aide à se changer. Les plus grands, durant ce temps de récréation vont faire la vaisselle, passer le balai.
A 8h, vient l’heure d’aller en salle de classe pour un temps de chant, puis de langage ou de
psychomotricité. A chaque bonne réponse, les enfants sont félicités par la phrase magique togolaise « ça c’est magnifique », puis on tape des mains 3 fois 3. Ils partent ensuite en pause à 9h30, où ils goutent : pâté(beignet) et bouillie. A 10h, ils repartent en activité pour 2 heures : mathématiques, écriture jusqu’à l’heure du repas.

Ils mangent tous ensemble, dehors sous le manguier pour les plus grands, et les plus jeunes ont une petite table à côté.
Les repas sont livrés par une tata du coin (sauf le vendredi) : le jeudi c’est riz épicé, et le vendredi c’est tata Josée qui cuisine et prend à certains moments 1 ou 2 grands avec elle pour l’aider.
Une fois le déjeuner fini, ils vont faire leur vaisselle et prennent une natte pour faire la sieste,

sauf le vendredi. Certains dorment, d’autres chahutent, ou demandent sans cesse d’aller aux toilettes pour pouvoir bouger. A 14h, Monsieur le directeur réveille dynamiquement les enfants en disant « Gamébon- Miffon » qui veut dire « c’est l’heure, on se réveille ». Ils rangent chacun leur natte puis les plus grands participent à la vie collective : rangement des tables, coup de balais… en attendant qu’on vienne les chercher.
Le vendredi, les enfants ne finissent pas à 15h mais à 12h. Il y a donc une petite variante pour les repas, il n’y a pas de goûter mais déjeuner à 9h30/10h (oui oui nous avons été surprises nous aussi de nous retrouver avec une énorme assiette de pâtes alors que nous n’étions qu’en milieu de matinée).
Nous nous sommes habituées à ce rythme togolais entre les 2h de sieste le jeudi après-midi, et le vendredi où nous mangeons tôt. Nota : en rentrant le vendredi vers 12H30, nous reprenons une petite collation avec notre café, histoire de tenir le reste de la journée.

Selon la présence des professionnels et des besoins, nous animons soit des temps de groupes, soit nous prenons en charge les enfants individuellement (souvent dehors pour Pétronille, ou dans une salle à côté de celle occupée par les enfants pour Sophie).

Nous sommes confrontées à plusieurs difficultés durant ces PEC (Prise En Charge):
- La barrière de la langue : pour les enfants qui parlent, la plupart parlent Ewé, il nous est donc difficile de tout comprendre, ou de se faire comprendre.
- Le bruit environnant qui est fort : la cabosse qui accompagne le chant dans la salle d’à côté, les félicitations d’un élève, …
- La présence aléatoire des enfants, sans aucune forme de prévenance
Nos collègues sont très contents de notre présence. Ils comptent vraiment sur nous pour alléger leur quotidien et trouver des idées avec eux pour apprendre et faire évoluer les enfants au-delà de nos séances de rééducation.
Par exemple, le vendredi de notre 2ème semaine au centre, nous avons eu une réunion avec les autres professionnels, à 12H30, pour faire le point. Le directeur nous a posé une question, qui nous a quelque peu déstabilisées « qu’est-ce qui n’est pas bien et qu’il faut changer », et il a demandé à la fille (donc à moi, Pétronille) de commencer… comment dire que je n’étais pas très à l’aise avec la question… Selon le directeur, ils avaient 2 semaines pour écrire leur prénom et compter jusqu’à 10 et donc répondre au programme. Les activités se faisaient rapidement, si un savait, alors il considérait que tous savaient, et ils pouvaient passer à la notion suivante … Evidemment, à ce rythme, ces notions ne sont pas acquises. Alors nous avons longuement discuté sur les activités qu’on pourrait mettre en place pour intégrer les quantités, reconnaitre son prénom selon son niveau de difficulté etc. Agréable surprise lorsque la semaine suivante, nous avons vu qu’ils avaient retenu nos propositions ! Aujourd’hui les enfants savent « vraiment » reconnaitre leurs prénoms ou le sigle à côté de leur prénom.

Autre exemple, cette semaine, nous avons animé au pied levé la matinée sport/psychomotricité … la fatigue des professionnels commence à se faire sentir en cette fin de trimestre. Ils n’avaient pas prévu de lancer d’activité ! Ils ont bien apprécié notre réactivité …

Les enfants nous accueillent toujours avec un grand sourire, et ils sont contents de venir travailler ou jouer avec nous (même s’il a fallu en apprivoiser certains qui n’avait pas vu beaucoup de blancs).

Bilan de ces 2 mois de mission à L’IMPP : complicité et fous rires avec les jeunes, des temps d’échanges avec les parents des enfants, des progrès et une très bonne intégration dans l’équipe même si la Coupe du Monde peut créer quelques tensions 😉 ! ( je cite : « je suis pour tous les pays tant que la France ne gagne pas » dixit M. Jules )
Merci pour ce récit ! On imagine les sourires, l'attention et les rires que vous partagez avec tous ! On vous embrasse fort.