Prendre un enfant par la main et l'emmener vers...

A votre avis, combien de temps faut-il pour qu’un enfant togolais orphelin trouve sa nouvelle famille ? Plus, ou moins long qu’en France ? Je vous aide : l’âge moyen d’adoption à la Pouponnière est de 3 ans et demi. Que se passe-t-il entre leur arrivée nourrisson et leur départ avec leur famille ?

C’est fou de se dire que les procédures d’adoption d’un enfant sont si longues alors que nombreux sont les parents en demande et nombreux sont les enfants qui attendent (environ 44/50 enfants à la pouponnière). En effet, au Togo, un enfant qui arrive à la pouponnière doit d’abord attendre 13 mois avant d’obtenir le statut « d’adoptable ». Durant cette première année, une enquête est menée : recherche d’un membre de la famille pour le re-confier aux siens, ou les parents eux-mêmes, ou …

Une fois cette période passée, s’en suivent alors les procédures d’adoption : la recherche de parents désireux d’adopter un enfant « grand », l’accord du comité d’adoption, accord du ministère, signature des papiers. Ce n’est pas une mince affaire…nous savons actuellement que plusieurs enfants vont être adoptés car comme dit la sœur, « le comité d’adoption a attribué » tel enfant à des parents, mais il y a encore minimum 6 mois d’attente entre l’attribution et la venue des parents, alors on patiente. L’enfant concerné apprend qu’il va partir et la psychologue le prépare un peu aux changements …

Pour la petite anecdote, il y a 3 mois, Justine, « attribuée » à une famille togolaise a demandé, à une sista, sur le chemin de l’école : « Quand est ce que mes parents viennent me chercher ? ». La sœur lui dit « bientôt, bientôt Justine » (elle-même ne sachant pas quand les parents pourront venir, mais elle espérait rapidement). Justine du haut de ses presque 4 ans lui répond « sista ça fait plusieurs fois que tu me dis ça et ils n’arrivent jamais. ». Un autre jour, pour pouvoir se projeter, elle demandait à la sœur si sa maman ressemble à telle personne croisée dans la rue ; ou encore une autre fois, toujours en allant à l’école, Justine a voulu repartir avec une maman qui lui plaisait … ce temps d’attente est loooooonnnnng . Heureusement depuis ses parents sont arrivés, et elle est plus qu’heureuse !

Une fois que les futurs parents de l’enfant sont connus, et en attendant d’avoir la confirmation officielle du ministère, ils peuvent envoyer une petite vidéo à leur futur enfant, ou une photo, pour se présenter, dire qu’ils arrivent bientôt etc. Et ils peuvent faire le choix de changer le prénom donné par la pouponnière. Les sœurs donnent le prénom du saint du jour de la date de naissance réelle ou estimée de l’enfant. Ce qui parfois donne des Adolphe, Jean De Dieu, Alida, Roger… Si les parents ont partagé le nouveau prénom pour leur enfant, alors nous essayons de l’appeler par son nouveau prénom. Par exemple, nous savons que depuis 5 mois que Adolphe va être adopté par une famille belge, et ils ont décidé de l’appeler Alexandre (à notre plus grand soulagement, nous européennes) Alors Adolphe est depuis appelé Alexandre. Pas facile ce changement de prénom ni pour ce grand bébé de 3 ans ni pour les professionnels, qui oublient souvent ce nouveau prénom, peu commun ici.

Enfin, la boucle est bouclée c’est-à-dire que le dossier est officiellement validé par le ministère, alors les parents peuvent venir au Togo pour rencontrer leur enfant. Il faut compter 1 mois de présence au Togo. Ce moment de rencontre va chambouler leurs vies, alors les sœurs ont réfléchi pour que cela se fasse en douceur.

• Il y a d’abord une semaine d’adaptation, et de découverte : au départ, les parents retrouvent leur enfant sur les temps entre les repas. Les parents sont logés dans la pouponnière (dans des chambres prévues pour les parents adoptants) et découvrent un peu la réalité des premières années de leur enfant.

• Puis une fois que les sœurs ont pu constater que le lien s’était créé, les parents viennent aussi partager les moments de douche et de repas, et ils couchent leur enfant pour la nuit et les siestes dans son lit dans le dortoir.

• Ensuite ils peuvent partir toute la journée avec l’enfant, en dehors de la pouponnière pour une petite balade ou escapade, avant de rentrer pour la nuit, où leur enfant continue de dormir auprès des autres enfants.

• Dernière étape : l’enfant part vivre à 100% avec ses parents en dehors de la Pouponnière et sans quitter le Togo, pour continuer à tisser ce lien, avant le départ.

• Pour finir, vient le moment de signer officiellement l’adoption et de remettre les nouveaux papiers de l’enfant, nous sommes à 3 - 4 semaines après l’arrivée des parents.

Toutes les tatas sont au courant de cette date, si importante du départ définitif ! Car c’est un jour defête !! En effet, pendant la signature officielle de l’adoption, qui se tient dans le bureau de la directrice vers 17h30 (à la fin du service des « tatas»), tous les professionnelles partent se pomponner. Le groupe des grands est aussi invité à cette fête, car l’enfant était dans ce groupe. Eux aussi se mettent sur leurs 31 après la douche : tenue en pagne pour tous. On se retrouve tous dans « la salle des fêtes » de la pouponnière, qui a été décorée et aménagée pour l’occasion, en attendant l’arrivée des heureux élus. Et comme toute fête ici, on est accompagné par une sono bien bruyante. Joie et excitation sont au rendez-vous !!

Puis vient le moment des acclamations : les parents et leur enfant se joignent à la fête, ça y est c’est officiel l’enfant a son papa et sa maman. La sœur directrice fait alors un petit discours pour remercier les parents, les professionnels de s’être occupé de l’enfant et rendre grâce à Dieu. Discours souvent écourté car elle est émue : c’est certes le départ d’un enfant parfois loin mais surtout c’est la réussite de leur mission : donner un papa et une maman à un de leurs protégés.

S’en suit alors un moment de chant, où naturellement chaque grand se réfugie auprès d’une « tata» pour être porté dans les bras. Toutes, nous dansons en cercle, en chantant. Les tatas s’y donnent à cœur joie ! C’est un moment qui me donne des frissons à chaque fois, c’est beau de voir toute cette joie, tant chez ces nouveaux parents que parmi les professionnels !! Comme le dit si bien un chant que nous aimons beaucoup chanter lors des fêtes d’adoption : « je suis dans l’émotion » !!

Puis nous avons une collation, offerte par les parents de l’enfant. Souvent un sandwich et une boisson, que chacun ramène chez soi (car c’est comme ça qu’on fait ici). Même le gâteau au chocolat avec plein de crème, est remporté, enroulé délicatement dans une serviette en papier, même pas peur. A l’exception de certaines, gourmandes comme moi ? Ou réalistes sur l’état dans lequel il va finir ?

Les grands, pour leur plus grand bonheur ont eux aussi le droit à une petite collation, pouvant donner lieu à différentes drôles de grimaces lors de la dégustation de la boisson qui pétille.

On fait quelques photos pour garder des souvenirs puis vient l’heure du départ.

C’est un nouveau départ pour l’enfant adopté … qu’il parte dans un pays européen : l’Allemagne, la France ou encore l’Islande (c’est le dépaysement assuré !! car même si les togolais mettent des doudounes sous 20 degrés, ils ne connaissent pas le froid, les moon boots ou la neige … ou qu’il reste au Togo ( moins de dépaysement climatique mais cela reste un profond changement de vie )

En 10 mois de présence à la pouponnière, nous avons eu la chance de voir (seulement) 5 enfants retourner dans leur famille, 2 jumeaux partir dans un orphelinat et 5 être adoptés. Les retours en familles mais surtout les adoptions sont sources de grandes joies pour la Pouponnière !! C’est un moment que nous attendons tant depuis des mois voire année(s) pour l’enfant, depuis l’arrivée de l’enfant pour être précis ! C’est toujours un moment émouvant de voir pour la 1ere fois l’enfant accompagné de ses parents, intimidé de nous voir tous là et à la fois si souriant et complice avec ses parents !!