Jubilé de platine
- Joséphine
- 2 avr. 2023
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 avr. 2023
Cette année, le collège Notre- Dame des Apôtres fête ses 70 ans ! Pour marquer le coup, plusieurs évènements sont prévus de mars 2023 à juin 2024. Cette semaine, nous avons officiellement commencé les festivités du jubilé de platine de l’établissement avec la « semaine d’ouverture ». Au programme : messe d’ouverture présidée par l’évêque de Lomé, concours de danses traditionnelles, karaoké et récital, match de football entre les professeurs et les lycéens, concours de Génie en herbe (il n’est pas question de concours de botanique mais bien de culture générale) et surtout la représentation de mes deux pièces théâtre : Le Malade Imaginaire de Molière (lycée) et Gaglo ou l’argent cette peste (collège).

En début de semaine, j’étais habitée par deux sentiments contradictoires : « enfin ! », nous allons pouvoir montrer ce sur quoi on travaille depuis novembre (pour le lycée) et fin décembre (pour le collège), mais aussi « déjà ! », on n’est pas prêt, et puis déjà la fin de cet atelier ? Deux jours avant la représentation les collégiens redemandent une répétition pour être au point, le stress monte doucement. De son côté, ma collègue Jeanne, qui m’assiste depuis le début, est très sereine et confiante.

Mercredi. Jour J pour le lycée. Début prévu à 14h. Un podium a été installé en début de semaine dans la cour. Tous les accessoires sont réunis la veille, je dois retrouver les élèves vers 13h. J’en croise quelques-uns le matin qui révisent leur texte pour ne rien oublier. Tout semble être prêt… ah non il manque l’escalier gauche du podium, des élèves vont donc chercher des pavés pour les assembler en un escalier.
Un collègue me fait ensuite remarquer qu’un théâtre sans rideau n’est pas un théâtre. Ok, qu’est ce qui pourrait faire office de rideau ? La sœur directrice a une illumination : nous décrochons les rideaux de son bureau et de celui du secrétaire et hop nous avons un rideau (imaginez 6 rideaux bleu clair, à fleurs qui volent tant et plus, maintenus tant bien que mal par des pinces à linge, pour les fermer comme il faut quelques élèves volontaires les maintiennent en place)
13h45 : Mes derniers comédiens arrivent. La scène est toujours occupée par le concours de génie en herbe : « Quelles sont les 7 merveilles antiques et leur pays ? » « Où joue le capitaine d’équipe des éperviers du Togo ? » les thèmes et les questions se succèdent et nous, nous attendons !
14h20 : La scène se vide enfin. Nous installons notre décor, l’équipe technique installe des micros « en suspension, ça va capter tous les bruits sur scène, ne vous inquiétez pas ! ». Je suis à moitié rassurée, mais CONFIANCE ! Les acteurs se changent, la tension monte dans la bibliothèque, utilisée provisoirement en vestiaire.
14h45 : Tous les élèves (spectateurs) sont mis dehors. Le spectacle est payant donc pour re rentrer dans l’établissement et assister au spectacle, il faut acheter son ticket.
15h15 : Tout d’un coup ça paraît tout vide. Sur les bancs du public il n’y a que 7 personnes : papa, maman, Pétronille, Hombeline et Philibert ainsi que Sœur Pia (sœur de Saint Jean qui donne des cours de religion à NDA, avec qui je m’entends très bien et qui suit l’évolution de notre projet depuis le début) et un parent. Les parents venus regarder la pièce ont eu un grand moment d’inquiétude : qui va payer pour regarder du théâtre (200 FCFA, soit deux jus de bissap) ? Combien de spectateurs ?

15h40 : Les élèves commencent enfin à revenir s’installer. Mes acteurs m’interrogent avec impatience « Quand est-ce qu’on commence ? ». La « salle » est comble ou plutôt les bancs sont tous bien occupés.

16h00 : Argan s’assied dans son fauteuil au milieu de la scène. Avec son bâton de malade il tape les 9 et 3 coups. Les rideaux s’ouvrent, ça commence.
Et là, les micros suspendus ne captent pas du tout ses paroles… Alors on repasse au micro à fil (ce que je voulais à tout prix éviter pour qu’ils soient libres de leur mouvement). Nous avions trois micros serre-tête pour Toinette, Angélique et Béline qui bougent beaucoup. La pile de celui d’Angélique est défaillante, déforme complètement sa voix. Heureusement cela ne la déstabilise pas et elle repasse au micro à fil une fois de retour en coulisse.
Le public ne se formalise pas de ces quelques imprévus et leurs rires fusent ! La joie des acteurs est immense, on la voit à leur sourire et à la diminution progressive de leur stress.
Durant toute la durée de la pièce je suis derrière la scène pour faire le souffleur et cours un peu à gauche à droite pour aider à apporter les accessoires sur scène, ou appeler les acteurs (qui n’ont pas pris conscience que leur tour vient de monter sur scène.) Jeanne se met dans le public « pour voir ce que ça donne. »

Je suis impressionnée par la prestation des élèves ! Quelques OK se glissent dans leurs réponses pour combler un trou de mémoire… Pour les transitions un peu longues (changement de costumes, micros…), mes Argan (oui c’est au pluriel le rôle a été coupé en deux à cause de sa longueur), nous improvisent des petits monologues, j’en suis impressionnée et le public continue de rire ! De derrière je ne vois pas tout mais mes élèves me font bien rire ! Molière a dû être fier de voir sa pièce superbement joué dans un lycée togolais …

Jeudi. C’est au tour des collégiens. Nous devons commencer à 8h. Et je suis bien décidée à ne pas avoir deux heures de retard comme hier. Mais c’est peine perdue … A 8h30 le décor est en place mais il nous manque encore 4 acteurs. Je leur téléphone donc pour leur rappeler que le début devait avoir lieu une demi-heure auparavant. A 9h tout le monde est là et l’équipe de sonorisation arrive enfin ! Les élèves sont tout excités ! Nous attendons 10h avant de commencer, car « 10h c’est une bonne heure pour que le public soit là » dixit Jeanne

La représentation se déroule à merveille. Un peu moins sportive qu’hier à mon plus grand bonheur : apprenant de mes erreurs, je les ai bien briefé pour qu’ils restent attentifs au moment de leur entrée en scène, à avoir leurs accessoires à portée de main …
Les élèves sont heureux de montrer le fruit de tout leur travail.

A la fin, au moment de saluer, le public tellement pris dans la pièce réclame le bébé dont la naissance a été évoqué pour clore l’histoire. Une sœur, venue voir notre spectacle, tend donc à la jeune maman son sac à main qu’elle enroule dans un pagne. Le public est ravi et demande le nom du nouveau-né. L’actrice choisi de l’appeler… Maeva 2 (elle-même s’appelant Maeva). Ça nous a bien fait rire et j’étais heureuse de voir que le public était à fond dans le spectacle.
La sœur directrice, consciente du travail demandé aux élèves, voulait qu’ils puissent se produire au moins 2 fois. Elle avait même rêvé louer une salle et ouvrir à un large public la représentation pour une troisième représentation … mais finalement, c’est trop cher. Pour notre deuxième représentation, nous devons nous rendre dans un autre établissement tenu par les sœurs de Notre Dame de l’Eglise, et présenter nos deux pièces aux collégiens - lycéens le vendredi .

Vendredi. Au réveil, c’est le déluge à Lomé, je crains le pire : des absences et donc que mes pièces tombent à l’eau. 10 minutes plus tard, un élève m’annonce qu’il sera peut-être absent à cause des routes inondées.
Nous battons les records de retard : départ de l’école prévu à 10h pour entrer sur scène au plus tard à 13h… Les élèves arrivent entre 8h et 11h30… et les mini bus qui doivent nous conduire à destination arrivent à 13h45 ! L’avantage c’est que je suis plus sereine que les jours précédents : tout s’étant bien passé, je me dis qu’ il n’y a pas d’inquiétude à avoir, par conséquent j’accepte assez sereinement ces petits imprévus.
Sur place nous sommes très bien accueillis par les élèves : la chorale nous chante un chant de bienvenue, un élève nous déclame un poème.

Puis enfin, nos lycéens montent sur scène (à 16h) et c’est reparti : plus sereins, ils jouent encore mieux , ils provoquent un festival de rires, les répliques fusent à point, les transitions sont fluides ! La représentation est encore meilleure que mercredi ! Je suis très fière d’eux et heureuse de voir le résultat de ces mois de théâtre avec eux !
Ensuite les collégiens ont enchainé avec leur pièce. Eux aussi sont plus sereins, et toujours très motivés …Malheureusement, l’heure tourne vite et nous avons été coupé avant la fin de la pièce car les élèves doivent rentrer chez eux. Mes collégiens sont un peu déçus, l’une des actrices qui n’a pas pu monter sur scène a explosé en larmes. C’est difficile de rester insensible face à cette situation, ils avaient tellement travaillé ! Je partage leur déception et me sens un peu impuissante. Ils se faisaient une grande joie de montrer, à l’extérieur de l’enceinte de l’école, tout le travail accompli…

Je ressors de ces trois jours assez fatiguée mais vraiment heureuse ! Heureuse de tous les moments partagés avec les élèves, heureuse de les voir aussi heureux sur scène, heureuse de voir que tout s’est bien passé, heureuse car les spectacles ont plu. Et puis, je suis fière, fière de chacun d’eux et tous les efforts qu’ils ont fournis, fière de les avoir vu progresser, fière de voir que j’ai pu leur apporter de la joie, fière de les voir prendre confiance en eux, fière de m’être dépassée et d’avoir tout donné pour que tout soit réussi ! Je sens que les quitter ne va pas être simple, car nous avons tissé de beaux liens ensemble… Mais une chose est sûre : j’ai de précieux souvenirs à chérir !


Les inscriptions pour l’an prochain sont déjà annoncées, la pièce pour les collégiens a été choisie : Le trône royal de Monseigneur Nicodème Barrigah (évêque de Lomé). Pour les lycéens, le choix n’est pas encore fait, mais il portera sur un classique de la littérature française. Jeanne ma collègue prend la relève !


Joséphine, quelle émotion en te lisant ! Merci de nous partager tout cela, tous les rebondissements (j’étais suspendue et craintive quand tu dis que les sièges étaient vides, les spectateurs allaient -ils payer ? Ouf, ils sont venus !).
BRAVO pour cette énergie mise au service de ces élèves comédiens 🎭 ou spectateurs ! Belle Semaine Sainte à tous !
Quelle joie de vous lire le dimanche depuis mon petit coin de Bretagne ! Bravo à vous tous et bonne semaine en route vers Pâques. Chantal