ENVOL-moi

Nous travaillons depuis fin septembre, tous les jeudis et vendredis, avec une interruption pour les congés de Noël... Mais nous n'avons pas de routine : chaque jour est différent. Mr est malade, Tata est partie à un enterrement, une moto en panne... On s'adapte ! Le plus difficile : se retrouver toutes les 2 avec 25 enfants et 3 stagiaires. Après un temps de découverte, d’observation et de discussions, nous avons établi un emploi du temps avec des prises en charge individuelles, pour les enfants qui ont le plus de difficultés ET qui sont très régulièrement présents. Mais elles sont rares les semaines où nous avons pu faire les prises en charge prévues. Ce n'est pas pour autant un échec, nous faisons d’autres choses !

Un des premiers jours de notre arrivée, le directeur nous informait que tous les 15 jours nous aurions une réunion d’équipe le vendredi après le départ des enfants. Depuis que nous y sommes nous avons eu 2, peut-être 3 réunions seulement ! C’est donc pendant « les temps informels/siestes » que nous discutons avec les professionnels des enfants et du programme.

Il était important pour nous de respecter leur programme bien (trop !!) prévu, et inscrit à la semaine dans un livret : semaines 1 et 2 apprentissage de son prénom, semaine 3 compter jusqu’à 10, …Mais nous avons essayé de faire comprendre qu’il était important de rester plus longtemps sur une acquisition et démultiplier les activités pour un apprentissage à long terme. Ainsi, le jeudi suivant nous les avons vu avec des cuillères et des fourchettes pour la notion de quantité. Cela reste trop compliqué et il a fallu , au bout d’un certain temps, proposer de changer de thème, car les enfants étaient lassés. Actuellement, nous travaillons sur les couleurs primaires et les jours de la semaine. Monsieur Jules varie les activités : loto des couleurs, objets de couleurs, tri de couleurs….

Régulièrement, Monsieur Jules est occupé par l’administratif et nous demande de nous occuper des jeunes. En respectant leur emploi du temps, nous organisons soit des ateliers par petits groupes en fonction de leur niveau, soit des activités avec tous mais nous adaptons nos exigences au niveau de chacun : l'un devra dénommer la couleur, alors que l'autre devra associer l'objet à la tâche de couleur demandée...

l’un devra sauter à pied joint alors que l’autre fera du cloche-pied … C’est une vraie réussite que cette notion d’exigence varie en fonction de la personne car les éducateurs ont compris l’enjeu et commencent à appliquer cette exigence variable !

Le vendredi, sur l’emploi du temps général c’est sport, alors nous avons mis en place des parcours moteurs : passer au-dessus/en dessous d’un obstacle, sauter, marcher sur une poutre, renverser des quilles avec un ballon... Nous faisons du sport, de la psychomotricité et du langage ! Et mine de rien, nous varions les acquisitions et le vocabulaire. Nous avons essayé de faire le parcours sous forme de relais la dernière fois, et les jeunes étaient drôles car ils ne connaissent pas le principe de la course: ils s’attendaient pour passer les obstacles … pas de plus rapide à finir.

Comme dit lors d’un précédent post, un temps de récréation leur est accordé de 9h15 à 10h. Lorsque nous sommes arrivées nous étions surprises : les enfants devaient rester assis sans bouger, une fois le goûter pris. Alors petit à petit nous avons proposé des activités pour se défouler avant les 2 prochaines heures en salle qui les attendent : 1,2,3 soleil, cache-cache, imitations d’animaux, jeux sur les structures, jeux togolais avec nos mains… les jeunes sont contents mais pour l’instant les adultes ne sont pas persuadés de l’utilité de ces jeux/plaisirs et d’ailleurs ils trouvent qu’on fait trop de bruit, un comble pour un togolais, parole de français !!!

Nous avons des enfants qui sont peu autonomes et qui ont donc besoin d’être accompagnés dans les tâches quotidiennes. Or ici on explique très peu les choses, on les emmène ou fait à leur place sans leur expliquer. Vous comprenez bien que pour l’enfant ce n’est pas facile, il peut être dans le refus, alors nous communiquons avec les enfants et les accompagnons vers plus d’autonomie (en leur apprenant à manger seul, à aider à l’habillage) D'ailleurs, certains enfants le matin doivent se changer pour ne pas salir leur uniforme. Nous prenons alors le temps de leur apprendre à déboutonner la robe, ouvrir la fermeture éclair, mettre les chaussures pour favoriser une autonomie.

Le matin et le soir, les plus grands sont responsables de mettre/ranger les tables et le matériel utilisé, faire la vaisselle, le coup de balai etc pour favoriser l’autonomie. La plupart de ceux qui le font sont déjà autonomes et savent très bien faire. Alors nous essayons de responsabiliser les plus jeunes en les aidant à porter un banc, ranger une chaise, faire la vaisselle. La plupart n’attendait que ça: ETRE GRAND !

Nous avons créé du matériel facile à refaire et à utiliser, pour varier la proposition d’activités : laçage, loto, tri de couleurs, algorithme de couleurs, bowling avec des bouteilles. Cela nécessite de montrer aux éducateurs comment l’utiliser, et expliquer les « pourquoi ».

Depuis la reprise de janvier, l’Envol accueille des stagiaires : 2 groupes d’élèves orthophonistes sont venus 15 jours chacun, puis en ce moment pour 2 mois, 2 étudiantes françaises en psychologie sont en humanitaire/tourisme. Ces adultes en plus sont les bienvenus pour aider avec les jeunes. Pour les stagiaires orthophonistes, n’ayant jamais côtoyé le milieu du handicap, le choc a été dur.

Mais ce fut l’occasion pour Sophie plus particulièrement de relire ce qui est transposable, indispensable dans la prise en charge et ainsi de donner quelques clés de compréhension et surtout des savoir-être (autonomie : accompagner plutôt que faire à la place, verbaliser ce qui se passe, par exemple lui dire où il doit aller plutôt que tirer l'enfant, le faire asseoir … regarder pour « évaluer » le niveau et imaginer les axes de travail … ).

Ces stagiaires nous ont offert le plaisir et la fierté de savoir qu’avec nous, les enfants avaient le SOURIRE !

Avec les psychologues, nous avons réalisé combien nous étions intégrées dans l’Envol, au-delà des relations avec les enfants : par exemple, le niveau sonore ne nous surprend plus (même si nous essayons tant bien que mal de le faire baisser !) A tort ou à raison, nous avons pris notre partie du manque de dossier médical, de diagnostic même de surdité ou problème de vision … Non, nous ne pourrons pas changer le monde ! ni les Togolais, et leur système de santé très cher !!! par contre, nous pouvons travailler malgré l’impossibilité de poser un diagnostic précis.

Nous avons aussi eu la visite d’étudiants ostéopathes, ils ont pris en charge chaque enfant et sont repartis comme prévu ! Et … sont devenus un bon souvenir sauf pour Djawad, qui a eu tellement peur !!!

Fin juillet, nous aussi, nous repartirons et avons la prétention de laisser plus qu’un bon souvenir !

Nous visons que certaines pratiques, jeux et savoir-faire perdurent au-delà de notre présence …

Il nous reste 6 petits mois pour apporter d’autres matériels facilement transposables, pour améliorer la routine du matin et pérenniser l’apprentissage des prénoms, des jours de la semaine et renforcer l’adaptation des objectifs à chacun … et pour ceux que nous prenons en individuel que notre travail porte un peu de fruits …